jeudi 31 mai 2012

Artiste invitée: une panthère noire



Nous aurons un long article à écrire pour tenter de vous dépeindre la rencontre époustouflante que nous avons faite à Arusha.
Voici déjà une photo de l'intéressée.
Et en guise de préliminaires à davantage de précisions et de sensations, de contrastes et de saveur, je vous propose d'explorer un peu le net et ses ressources concernant le mouvement des Black Panthers.
En espérant vous intriguer.


Blessed be the panther




mercredi 30 mai 2012

Les Trois T



Alors là, attention ! Tellement de choses à vous narrer, que je ne sais par où commencer ni sur quel pied danser. Nous sommes à Arusha, la ville des 3 T. Qui eux ne savent plus sur quel talent chanter.
Mais je m’égare. Car ici, il n’est pas question du groupe éponyme (3T) constitué d’une des portées Jackson qui vous sirupa les oreilles de ses miellosités funky à vous en faire couler des rivières de cérumen dans les années nonante, non, non, ici c’est autre chose.

Arusha, dont l’aéroport est autrement plus prestigieusement baptisé que Roissy Charles de Gaulle (puisqu’il s’appelle tout simplement « Kilimandjaro ») est en effet la ville de base de la plupart des randonneurs tanzaniens, au pied de la montagne mythique et à deux pas du Serengeti, le parc des parcs, la cerise du gateau, l’incontournable où nous n’irons pas non plus car nous sommes ici pour bosser et pas pour nous amuser manquerait plus qu’on voit un truc sympa entre deux salles d’embarquement.

Tourisme, donc, pour le premier T.

Alors le deuxième ? Taie d’oreiller ? Tango? Taboulé ? Pour ceux d’entre nous qui ont un peu plus de culture générale qu’un boa constrictor en pleine digestion, la réponse a déjà fusé : Tribunal !

Mais je te vois, camarade boa, en train de froncer les sourcils derrière ton PC : tribunal de quoi, t’interroges-tu imperceptiblement. Eh bien pour toi, reptile ami, la réponse est là : Tribunal pénal international pour le Rwanda. Qui d’ailleurs n’y sera bientôt plus. Car c’est fini tout ça, comme on vous a déjà raconté dans notre article sur Kigali. Enfin, je ne serai pas étonné qu’une ou deux victimes du génocide ne pense pas exactement ça.

Mais reprenons un troisième thé pendant que le monde s’autodétruit.

Et celui-là risque de nous coûter bonbon : Tanzanite. Car comme chacun sait la tanzanite est une variété bleu à violette de zoïsite. Elle se rencontre souvent sous forme de gemme transparente. Elle a la même formule chimique que la zoïsite Ca2(Al.OH)Al2(SiO4)3 mais avec des traces de vanadium plus franches. Et je n’ai absolument pas fait de copier/coller sur Wikipedia.

Voilà, donc une ville touristique, pleine d’expatriés qui travaillent au tribunal international et vont bientôt s’en aller, et de nouveaux riches qui trafiquent de la tanzanite. Vous voyez le tableau ? Alors, c’est comment ?

Eh ben c’est génial ! Si, si.


Parce que nous n’avons rien vu de tout ça, mais une alliance française charmante remplie de créatures charmantes, des autochtones adorables, un accueil d’une générosité inégalable, un spectacle ultra réussi dans des conditions qui auraient pu relever des 3G ( Gageure et Grosses Galères) mais qu’on n’a pas senti passer tellement on était bien là-bas, tellement on avait envie d’y rester longtemps, tellement on s’est sentis aimés.

Et puis il y a eu Gaëlle Lapostolle. Quelqu’un qui fait des miracles. Enchante le monde. Donne du souffle à la vie. Vous emporte dans un tourbillon d’amour, d’intelligence et de bienveillance. Nous sommes repartis, et comme vous verrez, nous avons continué à avoir de la chance dans la suite de nos aventures. Gaëlle est un trèfle à quatre feuilles dont le charme agit longtemps, longtemps.

Quant aux images, ce sont celles du Kilimandjaro. Enfin ce qu’on en a vu. Car la plus grande star locale est tout bonnement restée la tête dans les nuages.


mardi 29 mai 2012

Les chaussettes de l’archiduchesse




Ce matin, nous pouvions lire dans les yeux des employés tanzaniens de l’hôtel une certaine perplexité lorgnant vers le balcon où séchait notre linge.

Sans doute leur était-il difficile d’imaginer mon camarade partir en safari vêtu de cette grande robe noire en dentelles et jupons, qui goutte-à gouttait sur le sol d’un lodge élégant d’Arusha.

Car nous composons avec les impératifs logistiques de cette tournée africaine, et ce matin nos costumes tâchent de sécher où ils peuvent.

C’est incongru, mais nous aimons cette image. Son décalage et sa poésie dérisoire. Car elle nous rappellerait s’il en était besoin que nous sommes peu de choses.

Lorsque nous jouerons le spectacle au théâtre du Rond-Point, c’est promis, nous continuerons de venir faire sécher nos costumes ici.

La tentation de l’égoïsme


Les jours se suivent et ne se ressemblent plus. Nous avons connu les Afriques. Celles qui nous ont bouleversés comme celles qui nous ont déplu, celles qui parlent la langue de Voltaire ou celle de Britney Spears, les Afriques exemplaires et les Afriques décadentes, la pureté de l’air marin et la puanteur des embouteillages, les champs de sacs en plastique et les allées de baobabs.

Nous avons retenu des leçons indélébiles, et nous sommes passés à côté d’autres apprentissages. Nous avons grandi, mûri et vieilli. Nous avons aimé, nous avons haï. Nous sommes un autre.

Notre spectacle, nous l’avons joué dans de merveilleuses conditions techniques, pour des publics avertis ou habitués à notre exercice de l’art. Nous l’avons aussi joué dans des néants culturels et logistiques, où personne n’avait jamais vu ça.

Le spectacle a été joué autour du monde une soixantaine de fois. Au début de cette aventure, nous étions prêts à tout, au moins à en découdre avec tous les obstacles et les contretemps, les contrariétés et les approximations. Aujourd’hui, lorsque parfois les conditions d’accueil sont précaires, lorsque nous n’avons pas les moyens de faire de belles lumières, lorsque les camions qui passent chantent plus fort que nos ritournelles, lorsque nous nous confrontons à l’incompréhension et l’incommunicabilité, la tentation est grande d’adapter nos exigences et notre désir à la réalité (quand il faudrait pourtant tâcher d’adapter la réalité à nos exigences ?).

On ne nous donne pas les moyens de faire notre spectacle dans les conditions optimales ? Peut-être prendrons-nous moins de plaisir, et ce ne sera pas de notre faute si le résultat est approximatif. Puisque nous avons fait la preuve des dizaines de fois que le spectacle peut-être magique et triomphal, pourquoi s’acharner ? La faute à nos hôtes. Voilà.

Qui parfois y mettent du leur : pour ma part, en tant que Serbo-germano-alsaco-juif ukrainien, on m’avait traité de tout sauf de parisien. Apparemment, dans la bouche de certains, cela sonne comme une insulte. Nous n’allons pas aborder ici la question de la xénophobie, trop vaste sujet pour un si petit blog (même si ça nous titille).Ni d’ailleurs la bêtise humaine, pour les mêmes raisons. Mais ça surprend quand même quand les deux vous tombent dessus en même temps. Sic.

Mais revenons à nos chèvres qui broutent du plastique le long des nationales.

Et à la tentation de l’égoïsme : pourquoi passer douze heures de montage dans un lieu improbable, avec des moyens techniques indigents et des interlocuteurs de peu de (bonne) volonté ? Alors que nous pourrions placer deux projecteurs approximatifs, et jouer quand même. D’autant qu’on nous le répète souvent : « vous savez, les gens, ici, ils ne verront pas la différence, ils ont l’habitude de ça ». Re-sic.

La logique pourrait sembler implacable, mais il y a quelque chose qui nous chiffonne, nous froisse, nous plisse douloureusement le front : pourquoi dans ce cas avoir conçu un spectacle itinérant, mobile, adaptable, pourquoi être venus de si loin pour plier dans la dernière ligne droite, fut-elle glissante et propice aux crocs-en-jambe ?

Et surtout, n’y a t’il pas, justement, dans ces obscures parties du monde où la lumière des arts est une flamme vacillante, un vrai défi à relever ? Ne trouvons nous pas davantage de sens à nos aventures lorsque quelqu’un nous dit que le spectacle l’a marqué pour la vie - parce qu’il n’avait jamais rien vu ni même imaginé de semblable – que lorsque nous officions sous les regards éclairés de publics plus avertis ( même si c’est très agréable) ?

Faire un spectacle comme le nôtre, n’est-ce pas vouloir donner la chance à tous les publics de pouvoir profiter du meilleur de nous-mêmes ?

Même si parfois cela demande un effort qui nous semble de prime abord intenable ? Récemment, nous avons posé nos lourdes valises dans un nouvel aéroport, une nouvelle cité chaude et poussiéreuse, où nous rêvions de faire un beau spectacle, et où nous nous sommes efforcés de tout recommencer, comme neufs malgré les dizaines de milliers de kilomètres déjà parcourus lors de cette tournée, vaillants, volontaires, intrépides malgré la fièvre.

Il semblerait que nous dérangions, avec nos « exigences ». Sic.

Quand on est mal reçu ( conditions délicates et accueil indélicat, pour rester dans l’euphémisme ), la tentation est encore plus forte de baisser les bras et de se dire que notre hôte ne mérite pas la peine qu’on voudrait se donner pour lui plaire. Fort heureusement, nous avons depuis longtemps appris à nous élever au-dessus des problèmes de susceptibilité, des problèmes techniques, et surtout, des problèmes d’ego. Et surtout, nous ne prenons pas les spectateurs en otage, quand bien même toute notre bonne volonté est coupée dans son élan.

Aussi, armés de patience, de courage, et aussi d’un certain mépris pour les étiquettes et les a priori, avons-nous fait tout notre possible pour que cette représentation encore soit la plus belle possible. Le lieu s’y prête, improbable comme souvent et charmant comme rarement. Pas facile facile, avec ses grenouilles et ses cigales qui envahissent l’espace sonore, avec le vent qui s’engouffre dans le décor, avec un éclairage spartiate. Mais nous avons parié que le charme opérerait.

Ce fut une excellente représentation, de celles qui vous donnent la force de continuer à vous battre, quand parfois la vie tente de vous mettre K.O. Ce qui nous permet de rester debout, de garder la ferveur nécessaire à poursuivre notre chemin, à défricher des espaces vierges, à conquérir, c’est aussi une certaine idée de l’art, qui veut que l’œuvre ne se confonde pas avec ses auteurs. Lorsqu’on présente un spectacle, on présente un travail. C’est sur ce travail que nous devrions être jugés, non sur notre origine ou notre comportement ( qui si j’en crois les innombrables lettres de remerciements et témoignages de reconnaissance que nous avons reçus depuis le début de ce spectacle a pourtant fait une belle unanimité ).

Sommes-nous de bons artisans ? Nul n’a daigné nous le dire ici, et c’est la première fois. Sic.

Nous pensons que lorsqu’on accueille un spectacle, comme lorsqu’on le représente, il faudrait avoir ne serait-ce que l’ombre d’une idée de ce qu’est un projet artistique, et savoir respecter ses interprètes, à défaut de les apprécier.

Il faudrait savoir aussi, dans le regard que l’on pose sur ce travail, distinguer l’œuvre de ses auteurs ou interprètes.

Sinon, Louis-Ferdinand Céline serait un très mauvais écrivain, et Bernard Menez un acteur hors pair.



lundi 28 mai 2012

L’employé du mois : Harrisday



Il y a de vraies belles rencontres, que nous ne pourrons pas toutes relater ici. Mais aujourd’hui, nous souhaitons mettre en lumière Harrisday, qui a fait la même chose pour nous à Dar-Es-Salaam.

Gentillesse, compétence, disponibilité, qui nous ont permis de mener à bien cette représentation où nous avons pris un immense plaisir.

Il y a des moments comme ça où nous sommes heureux, où nous rêverions de retrouver le même technicien à chacune de nos prochaines étapes, afin d’être tout simplement sereins, rassurés, réconfortés.

Il y a des moments comme ça où nous rêverions que la vie bégaie.

Thank you, Mister « Day ».

vendredi 25 mai 2012

Comores ter



Sur la plage, des adolescents se rêvent Zidane aux pieds nus. 


Loin des détritus, bleu-brun-bleu de nos serviettes froissées dans le sable.


Et le sourire de Sumita, comme une promesse, en guise d'adieu.

mercredi 23 mai 2012

Le retour de Bruno Lacrampe




Vous êtes nombreux à nous interroger régulièrement sur l’une des figures emblématiques de notre blog. Petit rappel ici. (Maman, si c’est colorié en mauve, ça veut dire que c’est un lien et que tu peux cliquer dessus ).

Après de longues et infructueuses recherches dans les méandres des alliances et instituts français du monde entier, nos enquêteurs m’annoncent enfin le plus gros scoop de cette fin de printemps.

Il s’agit d'un homme que nous avions laissé, souvenez-vous, accompagné de son petit chien pataugeant dans la gadoue, dans une sombre ruelle de Bogota, tel un Roméo Langlois en instance. Que s’est-il passé ensuite ? Tant d’inconnues à résoudre, tant de mystères insondables et de questions à vous brûler les lèvres.

Eh bien, aujourd’hui, nous pouvons rappeler nos enquêteurs, car la nouvelle est tombée comme ça, par hasard, au détour d’un sentier boueux de l’île d’Anjouan, aux Comores, et se répand comme une trainée de poudre : il arrive !

Mais qui, bon sang, qui ? Face à ce suspense insoutenable qui met toute une population d’internautes et d’insulaires en émoi, nous ne saurions vous faire patienter davantage : le grand événement de cette tournée, c’est le retour de Bruno Lacrampe.

N’écoutant que son courage et sa pugnacité, Bruno a accepté de prendre la direction de l’alliance française d’Anjouan. Sans craindre les difficultés économiques de l’île, son inertie, ses infrastructures à l’abandon, son climat étouffant, ses routes défoncées, son alliance française minuscule et sans crédits, Bruno relève le défi.


Car contrairement à ce que pouvait laisser supposer le confort douillet et enfumé de son bureau cossu de Bogota, nous le soupçonnions depuis toujours, nous le sentions: Bruno est un aventurier. Un Indiana Jones de la francophonie, un Crocodile Dundee de la culture, un Allan Quatermain de la coopération.

Il arrive, dit-on. D’ici quelques jours. Nous n’aurons pas le plaisir de le croiser puisque nous-mêmes repartons pour de nouvelles aventures. Mais nous sommes certains qu’il sera bien accueilli par l’équipe locale et ses quelques mots de français, qu’il apprendra le comorien les doigts dans le nez, qu’il troquera sans sourciller ses costumes pour des boots et un short, qu’il domptera les moustiques les plus tenaces de l’Afrique, qu’il saura aimer cette île qui ne se livre pas au premier abord, faire fi de tous les obstacles, et donner à l’aliance française d’Anjouan un nouveau souffle.

Ou pas. 

mardi 22 mai 2012

Comores : c’est joli chez vous ?


Vues d’avion, les trois îles de Comores sont des petits paradis qui chantent leur promesse à vos trains d’atterrissage. C’est ensuite plus contrasté, lorsque l’on est en prise directe avec les Comores-d’en-bas.

La réalité comorienne, en dépit de paysages paradisiaques, c’est aussi cela : des plages jonchées de détritus, des services publics déficients, un approvisionnement aléatoire, une torpeur insondable. Mais sondons.

Si les Comoriens ne sont pas de grands communicants, nous n’aurons pourtant pas à nous plaindre de l’accueil que l’on nous a réservé dans les trois îles, qui n’avaient pas vu un spectacle de théâtre depuis plusieurs années.



Nasrat, à Moroni, se sera dévouée sans limite – et jusque dans les cabinets de radiologie - à la réussite de notre spectacle. Caroline, à Anjouan, aura fait – et réussi - l’impossible pour que son public nous adopte. Emmanuelle, à Moheli, nous donna la flamme nécessaire à éclairer un archipel au bord de l’obscurantisme (oui, on a aussi un peu galéré avec l’electricité !)

Tout cela pour aboutir au plus beau cadeau que l’on puisse nous faire, un soir, au bout du monde ( à part peut-être de l’eau pour se doucher ?), le témoignage de Youssouf, technicien adorable de l’île d’Anjouan :

« Les gens qui étaient là ce soir s’en souviendront toute leur vie »

Touché .


lundi 21 mai 2012

Hakuna Matata



Comme vous le savez, Mondial Cabaret a été joué dans les lieux les plus improbables, mais là c’est une première : Haller Park. Lors du montage, les premiers spectateurs sont là : singes, mangouste, girafes, tortues géantes, marabouts...

C’est la première fois que nous jouons pour les animaux.

C’est à Mombasa, au Kenya. Gérard Saby, qui nous accueille, est un homme délicieux et singulier, puisque c'est lui qui nous a destiné ce lieu, où le spectacle se déroule sous une grande paillotte, dans un parc animalier dont on doute qu’il fut ainsi baptisé en hommage à Bernard Haller, que nous aimons pourtant bien même s’il est mort.

Les graphistes africains nous auront fait de belles affiches durant cette tournée, mais aucune une comme celle-là:



Sont-ce les animaux ou nos têtes de vainqueurs qui ont fait se déplacer la foule jusqu’ici ? Nul ne le saura. Toujours est-il que la salle est comble, déborde, un partie du public restant debout au milieu des singes qui font les marioles ( Cheetah, si tu me lis, rends-moi les bananes que tu as piquées dans ma loge ).

Belle représentation, beau public, beau décor. Un séjour au Kenya - Nairobi et Mombasa - riche en émotions de toutes sortes, tonique, revigorant, vivifiant. Un bonheur. Un régal. Un sans-faute.

Mais nous serions inexcusables, ingrats comme pas deux, de clore cette parenthèse kényane sans rendre un vibrant hommage à Hélène Bekker, qui depuis ce beau pays a tout mis en œuvre et fait fi de toutes les résistances pour faire adopter notre projet dans la plupart des théâtres de cette tournée. Hélène, ces bravos sont pour toi.


Sans elle et son équipe de choc et de charme (Harsita Waters, Solenne Huteau) nous ne serions pas venus jouer en Afrique.

Sans Gérard Saby, nous n’aurions pas eu l’occasion de jouer pour les animaux.

Et il y aurait toujours des bananes dans ma loge.

dimanche 20 mai 2012

Flash-back: Zimbabwe

Déjeûner à la fraîche, au musée d’art contemporain d’Harare, avec Andy Warhol et Woody Allen. Le temps ne semble pas avoir prise sur eux.


Est-il utile de rappeler ici que notre représentation au Reps Theatre d’Harare reste à ce jour celle que nous avons le plus aimé ? Oh oui, c’est même nécessaire, et presque indispensable. Merci cher Charles Houdart.

vendredi 18 mai 2012

Nairobi : soirée arrosée



« En principe, ce n’est pas la saison des pluies »

Cette phrase, nous l’entendons de plus en plus souvent, depuis le passage ravageur des cyclones El Nino, La Nina, et La Claudallegria.

A Nairobi, on a prévu de nous faire jouer en plein air dans le patio de l’alliance française, afin d’étrenner comme il se doit ses filets anti-grenade flambants neufs ( la veille, un attentat à la grenade a tué 16 personnes dans une église de Nairobi ).

Mais lorsque nous atterrissons, il pleut des drisses ( la tradition superstitieuse veut qu’on évite de prononcer sur scène le mot synonyme de « drisse » qui commence par un C et se termine par un E avec les lettres O, R, et D entre les deux, je vous laisse deviner), et cela dure apparemment depuis trois semaines. La pluie, pas la superstition. Qui comme chacun sait existe, elle, depuis une bonne dizaine d’années.

Donc, il pleut. Alors que faire ? Prier? Attendre ? Trouver une solution de repli? S’asseoir par terre ? Boire un whisky ? Nous avons fait un peu de tout ça, et après ça allait nettement mieux. On a fait le montage comme si de rien ne serait (sic).

Le soir du spectacle, il pleut aussi, nous appelons le service météo de la tour de contrôle de l’aéroport pour savoir si Dieu nous en veut personnellement ou s’il n’aime juste pas les Kényans. On nous répond « Inch Allah », ce qui dans certains contextes est une philosophie acceptable pour survivre.

Par sécurité, nous invoquons également un dieu de la pluie kényan, en répétant rapidement le nom de la capitale. Essayez avec nous : « Nairobi-Nairobi-Nairobi-Nairobi… », et là, si l’on écoute bien , ça fait « Robinet-Robinet-Robinet ». Pas étonnant qu’il flotte tout le temps. Et surtout, qu’est-ce qu’on rigole.


A l’heure d’entrer en scène, la pluie clapote sur la bâche qui protège la scène et le public, ce qui rendra le spectacle partiellement inaudible si ça continue comme ça. C’est désarmant car nous avions ici toutes les conditions requises pour faire un bon spectacle, un accueil plein de grâce(s), une fiche technique totalement respectée, des techniciens au top. A l’idée d’annuler à la dernière minute pour des raisons météorologiques, on se passerait bien l’élingue au cou, mais nous n’en avons pas le loisir car déjà on nous tend des parapluies pour accompagner notre parcours des loges à la scène. Nous montons sur le plateau, et la pluie s’arrête.

Après une des meilleures soirées que nous ayons passées sur cette tournée, après la standing ovation des très chaleureux Nairobiens, l’orage gronde à nouveau et la pluie revient. Mais nous ne l’entendrons pas, ne la sentirons pas ruisseler sur nos épaules et nos visages, car nous jouirons du miracle, restant sur notre petit nuage, qui lui, ne s’abattra jamais sur la ville.

Comme quoi le bonheur ne tient qu’à une corde.

jeudi 17 mai 2012

mercredi 16 mai 2012

Parce qu’on vient de loin



A la question : « Quoi de neuf ? », on raconte que Sacha Guitry, qui n’était pas la moitié d’un con, répondait : « Molière » !

A la question : « Que reste t’il du génocide rwandais ? », nous serions malheureusement tentés de répondre : « Corneille ».

Nous voulons parler du flegmatique fredonneur de mélodies mièvres et de refrains tartes qui déversa sur l’hexagone une soupière de tubes indigents qui groovaient moins que « L’amour est cerise » de Jean Ferrat mais qu’on a quand même écoutés parce que nous n’avons pas suffisamment d’oreille pour constater que ce n’est pas parce qu’on est noir qu’on a forcément le rythme dans la peau et qu’en plus on a bien aimé le plan marketing d’Universal qui nous avait rabâché toutes interviews confondues cette histoire de jeune homme propre sur lui et bien élevé bien qu’il soit issu d’un peuple qui a beaucoup souffert car rescapé du génocide rwandais où si j’ai bien compris les Tutsi (sans Dustin Hofman) massacrèrent les Hutu ( ou rien ? ) et qui comptabilisa un million de victimes il n’y tellement pas si longtemps de cela que mes draps s’en souviennent.

Là où Abidjan porte douloureusement les stigmates de ses drames, Kigali sourit et se refait un avenir. C’est une capitale modèle, belle, propre, et pleine de charme car le président fait tout pour : avec une volonté opiniâtre, il lutte contre les déchets dans les rues en verbalisant systématiquement les impétrants, met à l’amende les parents qui n’emmènent pas leurs mômes à l’école, interdit les sacs en plastique, rénove, construit, éduque. Un pays phénix, qui renait de ses charniers, et panse si bien ses blessures immenses qu’on n’y voit plus que de la vie, de l’effervescence et de la joyeuse sérénité. A l’image du quartier de Kimisagara, pourtant le plus pauvre de la ville, qui ressemble autant à un bidonville que Régine à Natalia Vodianova.


C’est là que nous donnons le spectacle, dans une grande salle, entre les équipements sportifs fonctionnels d’une école pour les plus pauvres, qui elle aussi est un modèle.

Au Rwanda nous n’avons pas vu les gorilles dans la brume, principale attraction touristique, ni les villages, ni les campagnes, et sans doute pas pu observer des facettes moins idylliques de la politique menée, mais force est de constater que ce que nous avons vu est plus que convaincant. Et surtout, nous avons vu un peuple qui s’est relevé comme un seul homme d’un des génocides les plus atroces du siècle, en quelques années, ce qui n’est pas sans nous donner une certaine leçon.

Après ça, j’ai relu Corneille, et finalement, je retire ce que j’ai dit, c’est pas si mal.


mardi 15 mai 2012

Ce que l'on peut vous montrer de l'Erythrée


Nous aurions voulu vous en dire davantage sur l'inoubliable séjour que nous avons passé ici. On nous a demandé de ne pas le faire.


 
Et si comme nous, vous ignoriez jusqu'à l'existence de l'Erythrée, je vous laisse taper ces huit lettres magiques dans notre ami google ( eh oui, on peut taper des lettres dans un ami ), afin que vous puissiez vous faire votre propre idée.

dimanche 13 mai 2012

Il me semble que la misère serait moins pénible à l’ombre


Afrique de l’ouest. Chaleur et poussière. Baraquements en tôle le long des routes. Pays de débrouille et de bakchichs, où la majeure partie de la population, qui n’a pas les moyens de faire plusieurs repas par jour, transhume nonchalamment devant les restaurants pour expatriés ou riches africains, devant les hôtels Mercure, devant les clubs avec piscine, pour glaner quelque eurodollar. Qui a dit que la misère serait moins pénible au soleil ?

Curieuse économie que celle de cette région où tout ce que l’on connait nous semble hors de prix, et où tout ce que l’on découvre ne nous semble pas bon marché non plus. Payer 90€ une chambre double qui donne sur les grues portuaires et leurs sirènes nocturnes bipant chaque transport de container ? Ce n’est pas donné à tout le monde. Mais c’est vendu à certains. Exemple à Cotonou : vers les docks où le poids et l’ennui vous courbent le dos, il y a l’Hôtel du Port, avec ses plats insipides, ses pizzas et ses salades qui donnent la tourista. Pour le respect de votre portefeuille et de vos intestins, mieux vaut manger local. L’Afrique qui veut faire dans le luxe à l’occidentale n’atteint pas son but. Nous regrettons alors de ne découvrir que des capitales asphyxiées, et de laisser les villages au bord de la route. Cette Afrique-là est-elle bien l’Afrique?

Mais foin des atermoiements, nous sommes ici pour jouer, où la rencontre avec le peuple noir se fait, et se fait bien, au-delà de nos états d’âme économicogéopolitiques.


Accra, Ghana. Ils sont venus, ils sont tous là. Venus applaudir deux comédiens au maquillage qui dégouline et aux costumes détrempés de sueur. Un vendredi 13 à Accra, représentation sauvée in extremis grâce au public en liesse, représentation aux forceps qui nous laisse le sentiment d’avoir accouché d’un monstre réussi. Entre chaleur insoutenable et accidents impromptus ( ce qui les distinguent des accidents planifiés ? ) ce n’est pas tout à fait le spectacle que nous avons créé, mais un hybride du temps qu’ il fait et du temps qui passe. Hier encore j’avais vingt ans. Mais dix kilos de plus.

Togo. Un vendredi 20 à Lomé, après avoir couru longtemps après notre matériel resté bloqué en transit au Caire ( non, je n’ai rien oublié ? ), on se voyait déjà en haut de l’affiche. Mais d’affiches, point : personne ne sait que nous jouons, ce qui nous permettra de le faire pour quelques badauds chaleureux dans un institut français en déconfiture. Le lieu sera abandonné bientôt, puis réaménagé ailleurs, mais pas en un jour. Le temps, et rien d’autre. Devant la foule clairsemée, nous avions prévu de raccourcir un peu le spectacle. Mais à la fin, une voix féminine s’élève : « Bissez ! ». Comme ça, devant tout le monde ? « Bissez ! » Si vous insistez. Nous avons donc bissé tout notre saoul, pour honorer Madame, les trois pelés et la vingtaine de tondus qui nous réclamaient. Bissé pour conjurer le sort. Bissé dru. Encore une soirée qui s’achève mieux que la journée n’avait commencé.

Bénin. Un mercredi 25 à Cotonou, les téléphones portables qui sonnent, et les flash d’un imbécile assis au deuxième rang, qui crépitent pendant une heure trente. On lui rappellera en fin de spectacle pourquoi le théâtre est cet instant fragile où la grâce du funambule peut être brisée au moindre couac, on expliquera à tous combien cet artisanat magnifique est perméable à la bêtise, superbe parce que vacillant, et souvent magique quand on ne le sacrifie pas à la grossièreté des hommes. Et combien il est intolérable de laisser un seul crétin gâcher le plaisir de tout un public, combien il est injuste de voir des enfants arrêter de rêver parce que la sonnerie du portable voisin les extirpe du songe théâtral, et combien il est inacceptable de se laisser emmerder par les cons lorsqu’on est en train d’ouvrir les bras vers le monde pour partager. Mais le public béninois, touché, a applaudi avec ferveur ce long discours improvisé entre rancœur et désarroi. Raison de plus pour ne pas se laisser saper l’espoir par une minorité connardeuse.


A Bangui, Centrafrique, république bananière caniculaire où il fait si lourd qu’on n’a pas le droit de prendre des photos, on a eu chaud. Dans les rues, sur scène, à l’hôtel, dans les bars ( danser joue contre joue ? On évite, au risque de rester irrémédiablement collés à son partenaire ). On a eu chaud aussi parce que les bagages n’étaient pas arrivés ( ils arrivèrent ), et qu’on nous a d’emblée annoncé la couleur : ici tout se vole, et l’espérance de vie moyenne est de 39 ans. C’était donc là que j’allais mourir, pile dans la moyenne, après m’être fait voler toutes mes affaires ? Afin de donner un coup de pouce au destin, j’entreprenais tout : chute d’un praticable en arrière dans le vide, ballet nocturne avec les moustiques porteurs du paludisme, contrôles de policiers corrompus, sacs oubliés dans les cafés, mais rien ne vint. Quand on a la poisse…

C’est donc vivants – un peu – et pleins d’espoir retrouvé – vraiment ?– que nous repartons en voyage, après quatre représentations chaotiques, tâchant de rester debout et propres (La bohème, ça voulait dire on sue des lobes ) dans les conditions souvent précaires de cette tournée. Et pourtant nous avons le privilège de manger à notre faim, de dormir à notre soif, de travailler comme on joue, de nous remplir quotidiennement le cœur d’expériences uniques. Quand on n’a pas tout ça, c’est plus compliqué.

Qui a dit que la misère serait moins pénible au soleil ? Indice : ce ne sont ni les Ghanéens, ni les Togolais, ni les Béninois, ni les Centrafricains.

Ce sont les Arméniens.



lundi 7 mai 2012

Melting Pot



Kumasi, Ghana.

Nous descendons dans un hôtel chinois à la déco qui détonne dans le paysage africain (le patron, originaire de Hong-Kong, fait comme chez lui). Nous sortons manger : restaurant indien. Puis allons boire un verre dans un maquis, autrement dit un troquet local en plein air : celui-là est baigné d’une musique qui reprend les chansons de Phil Collins ( One More Night ) et d’Elton John ( Your Song) en instrumental au synthé. Dans la cour, on vend des pizzas italiennes, devant un écran géant sur lequel est projeté une sorte d’Intervilles japonais qui fait se tordre les Ghanéens présents. Le lendemain, nous croiserons un soi-disant ex garde du corps de Khadafi, qui souhaite investir ses quinze millions de dollars dans ce qu’on pourrait lui proposer d’intéressant comme business, et finirons la journée en jouant notre spectacle au club libanais.

Mondialisation, quand tu nous tiens…

P.S. Un grand merci à Julien Dal Bosco pour toutes ses délicates attentions et son accompagnement sans faille malgré une méchante crise de paludisme.

dimanche 6 mai 2012

C’est ma prière


Saint-Louis du Sénégal a l’authenticité déglinguée des vieilles gloires coloniales. Les murs craquelés, les couleurs chaudes, la déconfiture après la splendeur.

Alors que nous traversons une frange du continent qui peine à construire, à entrer dans l’avenir, à se projeter, Saint-Louis pourtant se développe, et s’écroule concomitamment. Paradoxe ?

D’un côté, ces vieilles pierres qui embellissent au fil de leur effritement, ces bâtisses rongées par les vents marins qui font le charme de Saint-Louis mais qui finiront poussière. De l’autre, les mosquées qui poussent, le muezzin, la prière à toute heure et dans toutes les positions, les photos interdites : car c’est aussi la ville du Sénégal où les quatre-vingt-quinze pour cent de musulmans qui composent la population ont la visibilité la plus grande. Ici on prie partout, au bord des routes, entre deux commandes au restaurant, par terre derrière la réception de l’hôtel, tout le temps. Enfin, dès qu’on arrête d’essayer de vendre des babioles et autres balades en calèche aux touristes, deuxième sport régional.

Car Saint-Louis, presque insulaire, ne donne que ce qu’elle veut, et à qui elle veut. C’est-à-dire, en ce qui nous concerne, pas grand-chose. Car ici, on ne communique avec « les blancs » que pour leur vendre quelque chose, et on ne se laisse pas photographier – « car c’est contre la religion, car ça nous vole notre âme » – à moins que l’on ne veuille vous vendre quelque chose ou que l’on vous demande de l’argent pour cela, ce qui semble-t-il éradique toute réticence à se faire immortaliser.

Les francs CFA, dans la religion musulmane, permettent vraisemblablement de racheter son âme.

C’est peut-être aussi cela, l’authenticité bancale de Saint-Louis ( qui comme chacun sait rendait la justice comme un gland, mais sous un chêne ) : pleine de contradictions, de contrastes, de contredanses. Bref une authenticité qu’il nous faut voler, à défaut de nous résoudre à l’acheter.

Photos volées:









jeudi 3 mai 2012

Souvenir de Chine



Notre blog ayant été censuré par le gouvernement chinois, nous n'avons pu vous faire partager nos expériences en direct, mais nous avons rapporté de bons souvenirs. En voici un.

mercredi 2 mai 2012

Le vrai travail (sic)

Aujourd'hui, 2 mai, lendemain du jour béni où les travailleurs se reposent, Mondial Cabaret fête le vrai travail (sic) en rendant hommage à quelques-uns des techniciens bienveillants, régisseurs et amis, qui nous ont accueillis lors de ces premières six semaines africaines:
Maud (Lusaka)...Santos (Praia, Sal)...Afwerki (Asmara)...Gérard (Abidjan)... Louis XIV (Accra)... Caroline (Lomé,Cotonou)...Bruno (Bangui)...nous ne vous avons pas tous photographiés, nous ne vous citons pas tous, mais nous vous portons dans nos coeurs et dans nos souvenirs.

A tous, un immense merci.








mardi 1 mai 2012

Premier mai


Aujourd'hui premier mai, fête du travail, Mondial Cabaret bulle.


Le fantôme du théâtre



Avez-vous déjà pénétré dans un théâtre désert, lustres éteints, sièges vides, à l’heure où flottent les esprits silencieux des bravos oubliés ? Avez-vous senti les fantômes des acteurs, des musiciens, des techniciens, des ouvreuses, des chanteurs, des machinistes, des danseurs vous frôler de leurs ailes glacées?

Au Centre Culturel Français d’Abidjan, où nous jouons dans l’espace provisoirement aménagé pour recevoir des expositions _ et accessoirement notre spectacle éclairé par trois gamelles aux trépieds titubants - il existe un lieu comme ceux-là, un espace où se perdre, dans le parfum moisi des actes disparus. Il suffit de pousser la porte, et ils sont tous là : les spectacles passés, et ceux qui ne verront jamais le jour, les liesses potentielles et les bides inconnus. Perdus dans le purgatoire d’un espace en instance.

La salle du Centre Culturel Français, qui fut la plus belle salle de spectacle d’Afrique de l’Ouest, est désormais fermée au public, sur ordre d’architectes français qui lui réservent une nouvelle vie, dit-on, un jour, peut-être. Comme on écroule le mythique Olympia pour en faire une contrefaçon déjà moribonde quelques mètres plus loin, les bureaucrates parisiens redessineront cet espace à des normes hexagonales, sans se soucier de ce qui disparaitra dans cette refonte totale. Une âme.


En attendant l’aboutissement du projet, nous jouons dans un espace improbable, à cinq mètres de la porte d’entrée qui ouvre sur ces escaliers interminables, comme autant de spectres poussiéreux qui vous accompagnent jusqu’à ce plateau gigantesque, où semblent encore résonner les lazzi d’artistes disparus.

Après le spectacle, nous sommes descendus sur ce plateau, pour voir si le ciel, comme l’avaient prédit les ronds-de-cuir parisiens, nous tomberait sur la tête. Cela n’arriva point. Mais en regardant depuis la scène presque intacte cette immense salle vide, nous vint soudain l’envie poétique, mystique, de regarder une dernière fois le monde qui s’éteint, de sortir de scène pour la dernière fois, et de disparaitre à jamais entre deux rideaux noirs. Sans un adieu.