vendredi 18 mai 2012

Nairobi : soirée arrosée



« En principe, ce n’est pas la saison des pluies »

Cette phrase, nous l’entendons de plus en plus souvent, depuis le passage ravageur des cyclones El Nino, La Nina, et La Claudallegria.

A Nairobi, on a prévu de nous faire jouer en plein air dans le patio de l’alliance française, afin d’étrenner comme il se doit ses filets anti-grenade flambants neufs ( la veille, un attentat à la grenade a tué 16 personnes dans une église de Nairobi ).

Mais lorsque nous atterrissons, il pleut des drisses ( la tradition superstitieuse veut qu’on évite de prononcer sur scène le mot synonyme de « drisse » qui commence par un C et se termine par un E avec les lettres O, R, et D entre les deux, je vous laisse deviner), et cela dure apparemment depuis trois semaines. La pluie, pas la superstition. Qui comme chacun sait existe, elle, depuis une bonne dizaine d’années.

Donc, il pleut. Alors que faire ? Prier? Attendre ? Trouver une solution de repli? S’asseoir par terre ? Boire un whisky ? Nous avons fait un peu de tout ça, et après ça allait nettement mieux. On a fait le montage comme si de rien ne serait (sic).

Le soir du spectacle, il pleut aussi, nous appelons le service météo de la tour de contrôle de l’aéroport pour savoir si Dieu nous en veut personnellement ou s’il n’aime juste pas les Kényans. On nous répond « Inch Allah », ce qui dans certains contextes est une philosophie acceptable pour survivre.

Par sécurité, nous invoquons également un dieu de la pluie kényan, en répétant rapidement le nom de la capitale. Essayez avec nous : « Nairobi-Nairobi-Nairobi-Nairobi… », et là, si l’on écoute bien , ça fait « Robinet-Robinet-Robinet ». Pas étonnant qu’il flotte tout le temps. Et surtout, qu’est-ce qu’on rigole.


A l’heure d’entrer en scène, la pluie clapote sur la bâche qui protège la scène et le public, ce qui rendra le spectacle partiellement inaudible si ça continue comme ça. C’est désarmant car nous avions ici toutes les conditions requises pour faire un bon spectacle, un accueil plein de grâce(s), une fiche technique totalement respectée, des techniciens au top. A l’idée d’annuler à la dernière minute pour des raisons météorologiques, on se passerait bien l’élingue au cou, mais nous n’en avons pas le loisir car déjà on nous tend des parapluies pour accompagner notre parcours des loges à la scène. Nous montons sur le plateau, et la pluie s’arrête.

Après une des meilleures soirées que nous ayons passées sur cette tournée, après la standing ovation des très chaleureux Nairobiens, l’orage gronde à nouveau et la pluie revient. Mais nous ne l’entendrons pas, ne la sentirons pas ruisseler sur nos épaules et nos visages, car nous jouirons du miracle, restant sur notre petit nuage, qui lui, ne s’abattra jamais sur la ville.

Comme quoi le bonheur ne tient qu’à une corde.