mercredi 4 avril 2012

Ausencia

Par la bulle irisée du hublot, la mer, entre les nuages. Les vagues qui flagellent la côte, comme pour punir les rochers.

Rochers fiers, rochers immuables, qui nous interpellent en restant de marbre. Rochers qui résistent, quand nous ne faisons que passer. Rochers qui nous questionnent.
Combien de fois les yeux écarquillés sur le monde qui s'éloigne, combien de rituels aéroportuaires encore, combien d'adieux pour nous faire rebrousser chemin?
Apprendrons-nous jamais?

Ce matin nous avons posé nos roses et nos mains blanches sur un petit carré de terre, au cimetière de Mindelo. Sur la tombe de Cesaria Evora.

A chaque fois que l'on frôle un mort, à chaque fois que l'on quitte, à chaque fois que l'on embrasse une dernière fois, le choeur de nos disparus résonne. Comme autant de voix pleines ou vaporeuses, sauvages ou mélancoliques, graves et brisées. Qui racontent les terres natales, les steppes ancestrales, les peines perdues, le déracinement des grands voyageurs, l'absence d’un père, la désolation, le sentiment d’impuissance, les bleus à l’âme, les premières rides, la désunion, l'inéluctable.
A présent, la terre se dérobe, s'efface, flotte dans les limbes neigeuses d'un nuage, puis nous revient transfigurée. Une autre île, une autre terre, un nouveau monde. Comme pour y croire encore, comme un élan, comme une promesse.

Promesse d'aéroports, de retrouvailles, d'espoirs fugaces.
Promesse de quelqu'un qui comprendrait ce que nous sommes.

Promesse de quelqu'un qui nous attendrait quelque part, et saurait nous aimer encore.


À Daniel, à nos amours, à la douloureuse beauté du monde.