lundi 23 avril 2012

Rêve de Cochin

Abidjan, ville sinistrée. La vie a quitté ces rues du quartier du Plateau, jadis prospère, où les gens ne vivent ni ne sortent plus. Il est très difficile de faire revenir le public au Centre Culturel Français, traumatisé pas les crises successives, proche de l’éboulement. Passé dix huit heures, c’est ville morte, rues désertes, façades qui se lézardent autour des impacts de balles qui nous rafraîchiraient si nécessaire une mémoire encore à vif.
Comme l’analyse si pertinemment l'inénarrable Achille Mouébo :
Arrêtez arrêtez arrêtez
La guerre ce n’est pas bon
Elle détruit en un clin d’œil
Ce que la vie construit en plusieurs années
Oui, c'est vrai, on dirait un sketch de Gad Elmaleh à l'époque où il était drôle et talentueux.

Abidjan, donc. On nous avait vanté les folles soirées abidjanaises, elles n’existent plus. Ou alors  bien cachées. Ou alors pas un mercredi soir…qui sait ? En dehors des hauts lieux emblématiques du désastre politique, nous ne trouvons pas grand chose à nous mettre sous la dent, rien pour nous égayer l’esprit ou nous réchauffer le corps.

Est-ce pour mieux nous faire comprendre qu’Abidjan a du mal à refermer ses blessures que l’on nous fait dormir à l’hôpital ?
Toujours est-il que le véhicule de notre chauffeur s’engage tranquillement dans le parking des urgences de la polyclinique internationale du quartier des ambassades, quand un vigile patibulaire nous barre la route :
-          C’est pour les urgences ? Veuillez sortir du véhicule.
-          Non, non, c’est pour l’hôtel.
-          Ah pardon, passez.
L’hôtel Ivotel 2 partage donc les murs de la polyclinique. En bas de l’immeuble, pas d’enseigne, juste un gardien qui nous dit que c’est au troisième étage. L’immeuble est en travaux et nous croisons les peintres et maçons en rasant les murs de l’ascenseur pour ne pas nous retrouver enduits de plâtre. Troisième étage, il y a bien une porte qui indique que c’est la réception, qui a l’air de tout sauf d’une réception.



Arrivée dans les chambres où nous nous demandons s’il fallait être à jeun pour la prise de sang. Car tout est encore là : les prises au-dessus de la tête de lit pour brancher la perfusion, la rambarde de sécurité pour se tenir aux toilettes, le sol vert laqué (pour permettre un meilleur nettoyage des traces de sang ou déjections)
Il se dégage de l’ensemble un charme hospitalier glauque à côté duquel Horst Tappert aurait bonne mine. Il y a tout de même des avantages: les chambres sont grandes, surtout celles de l’ancien service de rhumatologie, qui comporte des « suites » : 60 mètres carrés sans meubles, que nous baptiserions bien Candeloro, car on peut y patiner en toute liberté sans risquer de casser le mobilier absent.
Le slogan de l’hotel, c’est Ivotel 2, c’est mieux que chez vous.
Alors, est-ce que c'était vraiment mieux que chez nous ?
Si nous avions été en phase terminale d’un cancer du colon, c'est possible.
Mais quand on a juste une petite chiasse, ça se discute.