lundi 5 octobre 2009

La mer vue du fond



Yann Arthus-Bertrand est un immense photographe. Je plaisante.

Alors que Mondial Cabaret se montre quelque peu désinvolte concernant les préoccupations environnementales - beaucoup de transports en avion, trop - et que je vous écris depuis la cabine d’un ERJ 145 de la compagnie SATENA, mon regard se perd dans la contemplation bleutée de l’aube sur la Sierra Nevada. Les sommets enneigés dépassent allègrement les 6000 mètres d’altitude, et c’est très beau.

Et je songe à Yann Arthus-Bertrand, auteur du rentablissime livre de photographies: « La terre vue du ciel », réalisateur d’émissions de télévision du même nom et d’un film, Home, produit par le non moins risible Luc Besson.

Et je me sens mieux. Car oui, avant de penser à Yann, je culpabilisais légèrement de salir par mes déplacements aériens notre chère planète bleu caca d’oie. Mais ça va mieux. Comme Yann Arthus-Bertrand, qui a émis 1500 tonnes de CO2 pour réaliser un film prônant la responsabilité écologique, qui a travaillé pour Total afin de financer son livre, et qui a fondé son association Good planet grâce au mécénat de GDF-Suez.

Lui aussi va mieux. Devinez pourquoi! Parce qu’il compense son émission de gaz toxiques en contribuant a des programmes écolos ( reboisement à Madagascar, fabrication de "charbon vert" au Sénégal...)

Ah bon, ben alors ça va, il peut continuer à balancer du kérosène dans l’atmosphère. Et nous aussi. Puisque je me fends d’un article écologique pour compenser.



Mais tentons de saisir l’articulation logique de la pensée yannarthusbertranienne:
- je dénonce un fait ( irresponsabilité de l’homme, satané pollueur )
- je commets l’acte que je dénonce ( je pollue avec mon gros hélico )
- je paie pour compenser les effets néfastes de mon acte ( mais je n’en ai pas moins pollué la planète ).

Intéressant. Selon la même logique, on peut par exemple:
- dénoncer la recrudescence de la violence, mais braquer une personne âgée, puis faire un don aux restos du cœur. Peu importe que la victime soit traumatisée, donc.
- être contre le tourisme sexuel, mais coucher avec des mineurs si l’on paie une amende ensuite. Peu importe que la victime soit traumatisée.
- aimer la bonne musique mais écouter des chansons de Cali à condition de bien se laver les oreilles après. Peu importe que la victime soit traumatisée.

C’est tout de même étrange, pour ce fervent défenseur de notre planète qu’est Yann Arthus-Bertrand, de ne pas se soucier davantage du traumatisme que ses actions font subir à la terre. Avant de compenser nos émissions à Madagascar ou au Sénégal, il vaudrait mieux les réduire chez nous.

Mais voilà que notre vol commence sa descente vers Santa Marta, perle des Caraïbes, où nous espérons quand même avoir l’occasion d’exercer des activités moins polluantes, comme par exemple prendre un masque et un tuba et regarder les poissons multicolores.

Cher Yann, pour ton prochain livre, j’ai une idée, cent pour cent écolo: « La mer vue du fond ».
Ça te dit?