mercredi 7 octobre 2009

Mina el Cerrejon: The Truman Show




Mazette! Bigre! Dieu me tripote!

Autant d’exclamations qui se bousculent au portillon de nos cerveaux dans la brume du petit matin, lorsque nous découvrons le village sans nom qui jouxte la Mine de Charbon d’El Cerrejon. Nous venons d’atterrir sur le tarmac de l’aéroport de « La Mina », et nous sautons dans un bus, qui nous emmène quelques kilomètres plus loin, à l’entrée du village.

Curieuse entrée ( et nous verrons, village bien plus curieux encore ), où nous faisons la queue devant un portillon électronique, après avoir fait une photo d’identité, laissé nos passeports à un guichet en échange de cartes magnétiques indispensables à passer les différents détecteurs de métaux qui nous permettent d’accéder au village. Après un contrôle précis des 243 accessoires contenus dans nos bagages, nous passons, pour monter dans une voiture qui nous conduit là où nous attend l’organisateur de la représentation de ce soir, et nous offre en chemin la découverte d’un monde à part, calme et effrayant.

La mine compte dix mille travailleurs, dont trois mille vivent en vase clos dans le village fermé de La Mina. Les autres se contentent de venir y travailler. A la Mina, il y a un cinéma, un hôtel, trois restaurants, un théâtre, et même un bar ouvert jusqu’à une heure du matin. Pour le reste, des rues ultra-propres et ultra-balisées: extincteurs à tous les coins de rues, panneaux indiquant les zones de rencontre en cas de séisme, affiches prônant la responsabilité écologique, fiches sur les tables des restaurants recommandant de contrôler régulièrement sa pression artérielle, et vitesse dans toutes les rues limités à 31 ou à 41 kilomètres/heure (sic).




Lorsque nous arrivons, il est huit heures du matin, nous observons les cabanons proprets alignés le long des routes, et les maisons cossues des ingénieurs. Devant l’une d’elles, au milieu des fleurs fuchsia; une grande cage blanche avec des perruches: un homme en chemise blanche à manches courtes sort de la maison, un attaché case à la main, le pli du pantalon de lin au cordeau, un large sourire bienveillant illumine son visage, il tapote du doigt sur la cage pour saluer les perruches et monte dans une berline métallisée flambant neuve pour se rendre au travail. Nous sommes en plein Truman Show.

Il règne dans ce village surréaliste qui n’a rien de ce que nous avons connu en Colombie un calme anxiogène. Le soir, nous jouons dans un bar qui accueille 120 personnes, public adorable et plein d’énergie. La représentation est prévue à 19h30. Dix minutes avant l’heure, le public fait la queue devant la porte, à 19h32, tout le monde est entré, et une femme arrive en courant, s’excusant pour son retard…nous ne sommes décidément pas en Colombie.

Plus tard, notre chauffeur nous ramène, bienveillant, à l’hôtel, la sonnerie de son téléphone portable ressemble à un enfant qu’on égorge. Il sourit. Non, décidément, tout n’est pas complètement normal sous le calme apparent.




Le lendemain, après une nuit inquiète, nous sommes repartis à l’aube pour Bogota, ou plus précisément pour ses environs, à Zipaquira, pour une représentation sous terre.

…à suivre.