lundi 21 septembre 2009

EL PARAISO?



Sandra Sanchez a eu une enfance insouciante à Las Caleras, à 200km de la capitale colombienne, dans une famille modeste et heureuse. Mais à sept ans, elle doit emménager à Ciudad Bolivar, énorme faubourg déshérité du sud de Bogota. Ce quartier abrite aujourd’hui plus d’un million d’habitants, des paysans pour la plupart, chassés par la guerre entre forces armées, narcotrafiquants, paramilitaires et guérilla. Beaucoup sont âgés, sans ressources. Il arrive chaque jour de nouvelles familles. La criminalité est à son comble. À treize ans, une fille sur deux a déjà un enfant. Règnent malnutrition, violence et drogue…Révoltée par ce qu’elle voit, Sandra Sanchez décide alors de se battre pour la cause du bidonville.
Une enfant prodige ! Dès sa petite enfance, déléguée de sa classe, puis de son école, puis de toutes les écoles primaires de Ciudad Bolívar, la petite colombienne fait preuve d’une incroyable maturité et d’un sens de l’action étonnant.
À neuf ans, elle anime déjà des rencontres pour aider les enfants battus, ou les filles-mères, et réclame un foyer pour les personnes âgées de son quartier. À peine plus grande, tout le pays l’a vue, à la télé, profiter d’une petite cérémonie officielle où le président Ernesto Samper l’avait prise sur ses genoux, pour lui réclamer calmement, devant caméras et micros, de financer ses projets sociaux.
A quinze ans, Sandra se lève tous les matins à 5 heures, pour faire son courrier et distribuer des consignes avant d’aller au collège. L’après-midi, elle revient animer toutes sortes d’activité : avec des personnes âgées, pour qui elle a créé un foyer culturel; avec des enfants, dont elle organise le soutien scolaire ou les jeux.
Aujourd’hui, à vingt deux ans, elle est célèbre : volumineux press-book, deux films sur elle, un livre: Les Oubliés de Bogota.

Nous nous étions rencontrés il y a quelques mois, et j’avais promis à Sandra Sanchez une représentation de Mondial Cabaret à Ciudad Bolivar, dans son quartier: El Paraiso.


Dimanche, nous y étions. A 17h, trombes d’eau. Impossible de donner le spectacle, prévu en plein air dans un parc. Nous attendons. Les habitants ont déserté la place. Seuls quelques-uns, les plus motivés, ou les plus curieux, que nous invitons à se mettre à l’abri avec nous, semblent vouloir y croire encore.

Une heure après, il pleut toujours. Mais il nous semble impossible d’abandonner ainsi ce public réduit qui patiente avec nous, et à qui l’on a promis du rêve. Ce serait vraiment trop injuste, dixit Caliméro - ne pas confondre avec Caliciuri, immense penseur devant l’éternel, qui nous eut sans doute, lui, livré les fruits d’une de ses fameuses méditations politico-sociales, ou encore emportés au fil de sa plume magnifique, celle-là même qui commit le superbe et définitif:

Dimanche c'est le jour des frites et du poulet

Mais pendant que Bruno Caliciuri cisèle ses mots, il pleut toujours sur Ciudad Bolivar. Et c’est vraiment trop injuste. Nous décidons donc d’improviser une version intime du spectacle, pour les quelques habitants blottis avec nous à l’abri de l’orage. Quelques chansons, un peu de magie, rires et applaudissements, nous partageons quelques bonbons avec les enfants du coin, discutons un peu, puis devons déjà repartir. Il ne fait pas bon traîner à Ciudad Bolivar la nuit tombée.

Soudain, alors que nous remballons notre matériel, le soleil réapparait.

Nous n’oublierons jamais le regard des habitants de Ciudad Bolivar. Ni leur sourire, qui a fait cesser la pluie.