samedi 19 septembre 2009

La classe amérindienne



Une fois n’est pas coutume, grâce à la magnanimité de Bruno Lacrampe - et alors là, attention, je dis Môssieur Bruno Lacrampe, de l’alliance française de Bogota ( double noblesse! ) - nous avons enfin pu profiter d’un VRAI moment de détente.

Eh oui, à l’hôtel Monserrate où nous sommes bienveillamment logés - abstraction faite d’une petite ambiance à la Shining, et d’un goût prononcé pour les croûtes murales - nous avons bénéficié de l’offre totale Hammam-Spa-Massages-Eucalyptus-Jacuzzi-Slip-de-bain-offert-Aromathérapie-et-les-Tongs-alors? Ah ben oui, les tongs aussi c’est cadeau. Bref, la grande classe!

Au sous-sol, le hammam et ses élégantes chambres à suer: dans les nuages de vapeurs, quelques vieux messieurs peu vêtus se dégagent néanmoins le fond des poumons en crachant par terre, entre deux hoquets poussifs et trois éructations. La classe amérindienne.

Ô temple de la mycose! Ô périls dermatologiques! Ô promiscuité glaireuse et moite! Ô saisons Ô glaviots! Quelle âme est sans défaut? nous murmurent de concert le poète et notre médecin traitant. Mais il en aurait fallu davantage pour ternir notre tout premier moment de décompensation jouissive.




Dans le hall de l’hôtel, accès internet ultra-rapide que snobent à-demi une colonie de vieillards en tricots de peau, préférant utiliser ce miracle de la technologie qu’est l’ordinateur individuel pour faire des réussites sur l’écran aux millions de couleurs.

Pas déprimé pour deux sous devant ce spectacle un tantinet bancal, je commande un verre de vin rouge. Un serveur amène et suranné me l’apporte ( et me l‘amène, donc ), bien glacé comme il se doit: 3 cubes de glace dans un tout petit verre et presque plus de place pour le vin. Après tant de félicité et un rien réfrigéré ( la température nocturne n’excédant pas 10 degrés à Bogota), nous tentons tant bien que mal de sortir de notre hôtel.

Moment intéressant de la journée, puisque les travaux qui envahissent la chaussée nous obligent à sauter au dessus d’une petite tranchée, pour aller patauger dans les flaques de boue, éviter les pelleteuses qui nous foncent dessus, et respirer à plein nez les fumées toxiques émanant de tout véhicule encore en état de rouler. Bogota est ainsi: toujours en travaux, un immense chaos in progress, un chantier pour l’éternité.

A l’heure qu’il est, c’est-à-dire environ minuit douze, je vous écris d’ailleurs de devant la porte de l’hôtel, puisque profitant de notre absence pour cause de montage au théâtre Varasanta, un ouvrier pervers a condamné avec force cordons de sécurités l’unique accès qui conduisait à la porte de l’hôtel. C’est ballot, parce qu’il pleut des cordes.

C’est beau, une ville, la nuit. Mais c’est mouillé.




C’est ici-même, dans ce monde ocre et qui s’effrite, que Bruno Lacrampe, le saint homme! nous avait remis les clefs du paradis ( et du spa, surtout ne pas oublier le spa! ), un dimanche midi, après être venu nous accueillir chaleureusement, flanqué de son élégante camarade à quatre pattes. Emus de tant de bonté, nous le regardâmes partir le cœur serré, avec en laisse le charmant toutou de six mois pataugeant, lui aussi, dans la gadoue, heureux comme un dimanche.

Et nous partîmes pour Ciudad Bolivar, bidonville aux confins de la capitale, le cœur léger.

A chacun sa promenade dominicale.